Histoire d'eau - Par Michel Derouet

Je voulais tester l'effet de la concentration en minéraux (en l'occurrence les résidus secs) de l'eau sur la germination.
J'ai utilisé l'eau Mont Roucous (19 mg/litre, c'est presque une eau déminéralisée...) et Saint-Yorre dégazée (4774 mg/l).
J'ai ajouté les points 1000 - 2000 - 3000 et 4000 mg/l en mélangeant les deux.
J'ai semé (en sachet) seulement 16 graines de Ferocactus glaucescens par pot, histoire de faire un test.

Voici le résultat :

Il semble bien y avoir un effet négatif dès le point 1000 mg/litre.
Avant de poursuivre sur un plus grand nombre de genres et d'espèces, je souhaite me replacer dans une optique plus réaliste en utilisant l'eau du robinet... faut être tordu pour arroser ses semis avec de la Saint-Yorre.
Il semblerait que le taux maximum de résidus secs est, en France, réglementairement fixé à 1500 mg/l pour les eaux distribuées. Pour ceux qui arrosent leurs graines à l'eau du robinet, il est urgent d'en connaître la concentration en résidus secs/litre.
Par ailleurs, il reste à connaître l'influence des ions essentiels pris séparément.

Je vais faire des essais qui correspondent plus à la réalité rencontrée par les semeurs en mettant l'accent sur les concentrations rencontrées dans les eaux du robinet en France :

Schématiquement, les eaux se partagent entre deux grandes tendances minérales : Bicarbonate (encore appelé hydrogénocarbonate) de sodium ou sulfate de calcium. Il est intéressant de voir si, dans les deux cas, l'effet est le même.

Vous pouvez vérifier la charge minérale de l'eau de votre robinet en allant sur la base ADES.


Le test se fait donc avec Mont-Roucous (19 mg/l, presque une eau déminéralisée) comme lot témoin. Les lots Saint-Yorre (tendance hydrogénocarbonate de sodium, 4774 mg/l de résidus secs) et Hépar (tendance sulfate de calcium, 2513 mg/l de résidus secs) sont ramenés à 1500 mg/l par dilution avec Mont-Roucous.

Saint Yorre et Hepar sont dégazées sous vide et les trois eaux sont aseptisées par filtration à 0,22 micromètres plutôt que par ébullition car le bicarbonate de sodium commence à se dissocier vers 50°C.

Substrat
- Substrat 1/3 Vermiculite, 1/3 terre arable et 1/3 sable Zolux n°3 :
- Aseptisation du substrat : 90 minutes au four à 200°C
- Le substrat est imbibé pendant 15 minutes dans de l'eau choisie, puis égoutté pendant 10 minutes.

Graines
4 références de graines (en double pour Mont-Roucous), 25 graines par pot, donc Mont-Roucous 200 graines, Saint-Yorre et Hépar 100 graines.
- Parodia magnifica
- Rebutia sp
- Echinopsis hybride “Dr Paul Schmit“, x E. sp à fleur jaune
- Ferocactus glaucescens

Elles sont aseptisées dans l'eau de Javel diluée dans l'eau de Mont-Roucous à 1% de c. a. pendant environ 30 minutes.
- Semis en pot de 7x7, puis mise en sachet Ziploc
- Couveuse avec 16 h de lumière et T° associée de 17 à 28°C.

Résultats

Un simple test statistique dit de “khi2“ aux stades 14, 35 et 56 jours montre que la différence de germination entre une eau pas ou peu minéralisée et l'eau de Saint-Yorre qui contient du bicarbonate de sodium à 1500 mg/l est significative. Les chiffres qui accompagnent les courbes donnent la probabilité (en %) qu’il n’y ait pas de différence entre les traitements.

Par contre, le sulfate de calcium contenu dans l'eau Hépar n'a pas d'influence néfaste significative sur la germination.
Il se peut que l'influence d'une eau du robinet riche en bicarbonate de sodium ne se remarque pas si on fait la fait bouillir. La dissociation du bicarbonate de sodium, à partir de 50°C, produit du carbonate de sodium, du CO2 et de l'eau, apparemment sans effet nocif sur la germination.
Les résultats obtenus ici ne reproduisent pas les écarts du test préliminaire. Il faut dire qu'entre temps, toutes ces graines (y compris le Ferocactus glaucescens) étaient passées par une discrète étape de déshydratation non contrôlée pendant trois semaines en couveuse à une hygrométrie relative diurne de 20 à 25%.
Y aurait-il une interaction entre l'humidité des graines et leur sensibilité à la minéralité de l'eau ?
Voilà encore une occasion de poursuivre notre quête de savoir.

Il semblerait bien que le bicarbonate de sodium dissocié n'ait plus d'effet néfaste. Je ne l'ai testé que sur une seule référence (Echinopsis hybride “Dr Paul Schmit“, x E. sp à fleur jaune ) en comparant Saint-Yorre dégazée et Saint-Yorre bouillie. Il n'y a pas assez de données pour en tirer une conclusion définitive, c'est seulement une indication. Voici le graphique :

 

Un autre essai sur l'effet du gaz carbonique sur la germination.

Le protocole est le suivant :

- 2 minéralisations : Mont-Roucous 19 mg/l, Saint Yorre 1500 mg/l (à l'origine à 4774 mg/litre, diluée avec la Mont-Roucous).
- 2 environnements : Sans gaz (Saint-Yorre est dégazée sous vide) ou avec CO2 (Saint-Yorre avec son propre gaz et Mont-Roucous avec environ 1,5 gr de gaz carbonique solide (Carboglace) ajouté dans le sachet. Le sachet a gonflé jusqu'à faire pchhhhhhtt et le lendemain le bâtonnet était fondu).

Par ailleurs, les conditions sont celles classiques d'un semis en sachet. Substrat (sable - Vermiculite - terre arable) stérilisé au four 120 minutes à 180°C et mise en couveuse avec 16 heures de lumière et température associée de 28°C le jour et 18°C la nuit.

Les graines sont issues d'un croisement Echinopsis cv. Terra Cota x Echinopis sp. à fleur jaune. 25 graines par pot.

Voici les résultats :

Sans aller bien loin dans les conclusions avec si peu de graines, on retrouve la tendance à l'inhibition de la germination par la charge minérale de l'eau et une légère stimulation par le gaz carbonique. Il serait intéressant de refaire le test avec beaucoup d'autres références... histoire de rire.